Article paru dans l’Auvergnat de Paris, le 27 janvier 2022
Ancien espoir de la restauration gastronomique, Matthieu Garrel, aujourd’hui âgé de 50 ans, avait préféré renoncer aux cuisines étoilées pour créer un bistrot très rentable. Vingt ans plus tard, il revient dans le circuit de la haute cuisine en prenant les rênes du 99 Hausmann dont il signe la carte. Il savoure cette seconde chance.
Matthieu Garrel est un homme imprévisible. On croyait ce chef durablement installé au Bélisaire, un bistrot haut de gamme du 15e arrondissement qu’il a créé il y a une vingtaine d’années. Mais depuis l’automne, sans pour autant abandonner son antre, il a mis un pied sur la rive droite en acceptant de superviser les cuisine du 99 Hausmann. Conseiller culinaire de ce 5* de 43 chambres, il en a conçu la carte orchestrée par la cheffe Aurélie Martin. Dès les premiers mois d’ouverture, l’adresse a été encensée par la critique qui salue cette cuisine à la fois classique t inventive dans laquelle ce Bresson fait la part belle aux produits de la mer. En cette période plutôt grise, les recettes de Matthieu Garrel, imprégnées de générosité, apportent un vent de fraicheur. Matthieu Garrel ne fait pas partie de ces chefs consultants qu’on ne voit qu’en photo dans les dossiers de presse. Il assure plus souvent qu’à sont tour les services, payant de sa personne en cuisine et virevoltant ensuite de table en table pour mesurer la satisfaction des clients. On sen que pour lui cet exercice représente un challenge personnel.
21 ans de bistronomie
En février 2000 il avait racheté un petit bistrot de la rue Marmontel pour y créer le Bélisaire. Il ‘n’avait pas encore 30 ans qu’il affichait déjà un CV des plus éloquents dans la sphère de la restauration gastronomique. Mais à l’instar de nombreux jeunes cuisiniers à l’époque, il a préféré bifurquer vers la bistronomie. « J’ai voulu y démocratiser la grande cuisine », explique-t-il. Il reconnait aussi que le ticket d’entrée pour créer un bistrot était à l’époque beaucoup moins élevé que celui d’un restaurant gastronomique. La création du Bélisaire représentait son seul moyen de s’établir. Cet établissement de 65 m2 accueille 45 places assises affiche souvent complet et bénéficie d’un ticket moyen qui oscille entre 45 € et 70 €. En 20 ans, le CA a progressé chaque année et même avant le mois de décembre dernier. l’établissement présentait des performances éloquentes. « Il y a dix ans, reconnait Matthieu Garrel, nous nous sommes interrogés sur l’opportunité d’évoluer vers la restauration gastronomique pour aller chercher une étoile. Mais comme notre modèle économique fonctionne très bien, j’ai renoncé. »
« C’est une motivation de tous les instants. »
Avec la proposition de prendre en main le 99 Hausmann, Matthieu Garrel a flairé une nouvelle occasion d’aller refaire un tour de chauffe sur la piste aux étoiles. Il bénéficie dans ce lieu d’une très luxueuse salle à manger et le ticket moyen qui s’établit entre 100 € à 155 € lui permet d’évoluer dnas le registre gastronomique. Il ne lui est pas interdit de rêver à terme à une étoile Michelin.
Né à Loudéac (Côtes d’Armor), il a passé une bonne partie de son enfance à s’entendre traiter de « bon à rien » avant d’intégrer un lycée hôtelier. « Je voulais devenir pâtisser pour faire plaisir aux gens et être apprécié en retour, raconte-t-il. Au lycée, j’ai eu la surprise d’entendre les professeurs me féliciter pour mon travail. Je me suit dit que j’avais enfin trouvé ma voie. « Pour son premier stage à la Victorine, à Fréhel, il intégre une équipe qui vise l’étoile. La gastronomie lui a alors paru comme une évidence. « J’ai pris ce chemin pour aller vers l’excellence, résume-t-il, c’est une motivation de tous les instants. » Son parcours est étonnant. Pour parfaire son anglais, il entre au service de Marco Pierre White qui était alors un des chefs les plus en vue de Grande-Bretagne, puis effectue son service militaire à Tahiti sur le Jacques-Cartier, avant de travaillerpour deux grandes toques bretonnes de l’époque, Jacques Guillo et Jean-Pierre Crouzil. Ce dernier le recommande au Coq Héron, auprès de Gérard Besson, une légende de la cuisine classique devenu MOF à 28 anas. Ce chef avait dirigé les cuisines du Jamin avant Joël Robuchon. Le premier contact n’est pas concluant. Aussi, Matthieu Garrel repart vers d’autres horizons, notamment chez Potel & Chabot qui le font travatiller sur des réceptions en Russie. Mais au bout d’un an et demi, Gérard Besson le contacte et lui offre rapidement un poste de second avant de lui confier la conduite de ses activités de restauration sru les Yachts de Paris. Les deux hommes se sont finalement apprivoisés et s’apprécient. « J’ai décidé de voler de mes propres ailes lorsque les Yachts de Paris on été racheté par Sodexo, justifie Matthieu Garrel. Tout d’un coup, j’avais perdu l’indépendance que j’apprécie plus que tout. « Aujourd’hui, Matthieu Garrel retrouve certains matin Gérard Besson autour d’un café, au Bélisaire et on imagine que le chef breton devait être fier de montrer à son ancien patron les articles élogieux récemment écrits sur le 99 Haussmann.
www.hotelbowmannparis.com
Le Bélisaire : un petit bijou, ce bistrot caché au fond du 15e, dans son jus, avec un menu de déjeuner bon marché.
Mathieu Garrel a œuvré longtemps chez Gérard Besson un des meilleurs cuisiniers classique de Paris. C’est peut-être lui qui a le plus marqué son style, quand il sert un homard à la parisienne, l’os à moelle au foie gras, un cabillaud rôti sur sa peau ou un carré d’agneau aux pois chiches.
Ici, les prix sont doux, mais le savoir-faire du chef–patron est grand. Les habitués ne boivent parfois qu’un verre au comptoir, pendant que les clients plus discrets se retirent dans la petite arrière-salle. Lièvre à la Royale en saison.
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[Extrait]
Les moins de 20 ans, et même de 30 ans, ne connaissent pas forcément l’immense chef Gérard Besson, meilleur ouvrier de France et docteur es lièvres à la royale. Chez ce grand monsieur de la cuisine française, autrefois installé rue du Coq-Héron, à Paris, Matthieu Garrel a appris le métier. Aujourd’hui encore, quand la saison du lièvre à la royale débute, Gérard Besson vient se glisser dans la mini cuisine de Matthieu pour l’aider. C’est dire l’amitié et le respect qui unit les deux hommes. Matthieu fêtera l’année prochaine ses vingt ans à la tête du Belisaire, bistrot niché dans une petite rue à l’écart des grands axes commerçants du XVe arrondissement. Depuis deux décennies, la maison ne désemplit pas et force est de constater que la clientèle est majoritairement composée de solides gaillards prêts à en découdre avec les généreux plats du maître de maison, qui ne manque jamais une occasion de valoriser les produits de sa Bretagne natale. Sur l’ardoise, qui passe de table en table, du homard, du cabillaud, des coques, le fameux pot-au-feu de cochon comme là-bas, le sablé breton, le kouign-amann et, en saison, même s’il n’a rien de breton, le célèbre lièvre à la royale.
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La suite est à lire dans le n°21 de la revue 180°C, titrée «des recettes et des hommes».
Article de la Revue Culinaire n° 921, septembre-octobre 2019.
Pour Matthieu Garrel, les trois font la paire d’as de son parcours : Kevin Cape, Jean-Pierre Crouzil et Gérard Besson. Avant qu’il ne s’installe dans ses murs au Bélisaire, renouant avec un style de restauration par trop négligé: la bonne table parisienne élevée au rang d’institutions par ses habitués. Avant que le cercle ne s’élargissent de bouche-à-oreille pour conquérir Paris, faisant de Mathieu Garrel et de son Bélisaire l’une des adresses incontournables de la capitale, gastro à l’âme Bistrotière.
Matthieu Garrel n’a pas jugé bon de changer l’enseigne du Bélisaire, au lendemain de son rachat en 2001. Général romain né en Macédoine ayant donné son nom à un entremets composé de différents légumes ou fruits, c’est de bon augure ! Voulant mettre toutes les chances de son côté, il a même rouvert son restaurant un 14 février, jour de la Saint-Valentin, pour être sure d’être au complet… Au moins un jour !
On l’a compris, le chef aime assaisonner ses propos comme s’est plats d’une ironie bienveillante à l’égard de son métier comme de lui-même. Ne pas se prendre au sérieux, mais faire les choses sérieusement, c’est l’objectif qu’il s’était fixé en reprenant ce bistrot du quinzième où, à la fin du repas, on perpétuait l’esprit chansonnier montmartrois.
En 2003 le Bélisaire est très vite débusquer par le guide Gault-Millau, remarquons sa fameuse ravioles d’huîtres au beurre blanc comme ses chaises de café, ses banquettes en moleskine cloutées et son menu à 18 €. L’année suivante, c’est au guide Michelin de lui accorder un Bib gourmand pour «la solide réputation qu’il se taille dans le quartier de la Convention grâce a la bonne tenue de sa cuisine au goût du jour».
Et voilà le Bélisaire bien parti pour être la réincarnation de ces tables parisiennes de quartier élevées jadis au rang d’institutions par une clientèle d’habitués. La mémoire de l’œil contribue à ce que l’on s’y sentent chez soi : d’entrée, le bar des années 1930 et mobilier ad hoc, serviettes dressées en cornets sur les tables et buffet Henri III faisant office de ménagère côtoient plaques émaillée de pâté Hénaff et siphons d’eau de Seltz vintage, dans la salle à manger flanquée d’un salon privatif.
Saveurs Océanes
Avec les recoins, on arrive à 50 couverts, aussi exigu qu’une Cambuse, la cuisine ne dénote pas avec sa lucarne en permettant à Mathieu de surveiller le déroulement du service.
Entourant le chef, Justin, son bras droit, et Nathan le plongeur. Mais aussi à intervalles réguliers, Vincent Danton qui, fort de son don d’ubiquité, passe avec la même aisance du fourneau à la salle dirigée par Patrice Tellier. Menu carte (ou déjeuner 30 €, 33 € et 50 € le menu surprise en cinq assiettes, 40 € le soir et ardoise comme l’exige le jour). Ticket moyen 55 € pour environ 70 couverts par jour.
Assiette de « cecina ibérique, cornichons français, beurre et guindillas est bistrotière. Mais, le « pavé de barbu rôti, tombé d’épinards, pommes purée et sauce champagne », comme la « ravioles de jeunes poireaux et Omar Breton sauce homard dîne » joue dans la cour des grands. Et leur maîtrise certifie le parcours du chef, proposant une carte faisant la part belle aux saveurs Océane, poisson, coquillages et crustacés venant directement pour la plupart, de Loctudy (Finistère) et de la Trinité-sur-Mer (Morbihan).
Lui aussi est né en Bretagne, le 24 juillet 1971 mais face Nord, à Loudéac, dans les Côtes-d’Armor. Ces rivière étant poissonneuses les truites sautent directement dans la poêle de Guy Samson au restaurant des Genêts d’or à Trévé, Qui s’amuse de voir fureter le petit Mathieu dans les cuisines, sans pour autant vouloir être cuisinier, d’autant que dans la famille Garrel, on compte trois générations de coiffeur, plus proche de la coupe au bol que de la coupe Melba…
Kevin Cape
Ce qu’il aime, c’est plutôt ce qui décoiffe, comme le Char à voile, la plongée sous-marine et le jiu-jitsu. Mais le vent tourne. Ses parents séparés, en échec scolaire, Mathieu est orienté chez les Orphelins apprentis d’Auteuil à Priziac. Il passera trois ans dans ce Collège disciplinaire, période qui restera gravé dans sa mémoire.
« Mon certificat d’étude et mon BEPC enfin obtenu, comme j’avais toujours entendu dire que je n’arriverai jamais à rien, je me suis dit que tant qu’à faire faudrait que j’essaye de faire plaisir aux gens. J’ai bien pensé à la boulangerie, parce que tout le monde aime le pain, mais fallait vraiment se lever trop tôt ! Alors, me souvenant des mines réjouis des clients déjeuner dehors devant leur truite aux amandes, j’ai pensé que cuisinier, ce ne serait peut-être pas si mal ! Je suis donc entré au lycée hôtelier de Saint-Méen-le-grand. Comme j’avais l’âme rebelle, ma chance fut de tomber sur une directrice très dure, certes, mais qui comprenant mes difficultés, m’a fait la grâce de croire en moi ! » Puis, premier stage dans la brigade de Thierry BLANDIN au restaurant le Victorine de Fréhel. Auprès de Thierry, dont le parcours est passé par Jacques le Divellec** et Alain Reix*, il découvre que le bel ouvrage ne s’obtient pas sans une discipline de fer. Il traverse ensuite la Manche pour apprendre l’anglais. Le voici au Bax Castle, pub lambda du Sussex ou il en bave entre sandwich et chicken breast burger. Mais comme disait Nietzsche, « tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Rescapés du fish and chips, il trouve refuge au Bell Inn* à Aston Clinton, premier commis aux poissons dans la brigade de qui veut une cape. Pas n’importe qui… Pour avoir seconder Michel Bourdin qui a régné un quart de siècle sur les cuisines ** du Connaught Hotel** à Londres… « Guerrier qui disait avoir appris exactement la cuisine auprès de Michel Bourdin et qu’il n’avait de cesse de nous transmettre ce bel héritage poli à son propre talent. »
Jean-Pierre Crouzil
Puis, c’est le service militaire embarquons sur le Jacques Cartier dont le port d’attache est Nouméa. Chef de cuisine des officiers, prêt de la quille, stop à Singapour où Kevin cap devenu chef de l’Eastern orient express, le verrait bien dans sa brigade ferroviaire de luxe, à l’image de celle de l’ami Christian Bodiguel, chef de l’Orient-Express. Mais il n’embarquera pas dans ce train de luxe. Grâce a l’intervention de Jacques Guillo*, de l’auberge Grand’maison à Mur de Bretagne, son avenir se fera a Plancouet, chez Jean-Pierre Crouzil**, alors dans le peloton de tête de la cuisine bretonne avec Georges Paineau, Olivier Roellinger et Jacques Thorel :
« Chef de parti à l’avion depuis aux poissons, Monsieur Crouzil, outre le chef doublement étoilé, était doté d’un bon relationnel, proche de sa clientèle. Il savait me remercier, notamment pour l’accompagner régulièrement au marché de dinars, en m’offrant une petite prime « bière », car il avait remarqué qu’avant de rentrer dans ma petite chambre le soir, j’avais pour habitude de m’arrêter boire une bière au café chez mais Mémène, histoire de rompre la solitude. En plus de ce que j’ai appris en cuisine, je pense avoir gardé son esprit canaille et blagueur. »
Gérard Besson
1995, Enfin Paris chez Potel & Chabot au poste montage de poisson et viande et services export pays de l’Est. Belle rencontre avec Marie Sorias et Marc Henri Verger. La parenthèse refermée, il passe quelques mois auprès de Gérard Besson, rue du coq héron. Puis retour sur les flots, mais ceux moins turbulent de la Seine. Gérard Besson lui proposant la responsabilité de la cuisine de la Compagnie des Yachts de Paris, premier bateau gastronomique sur la scène. Mathieu accepte le challenge, l’idée étant de proposer une cuisine haut-de-gamme sous la houlette de Gérard Besson. 1995 à 2000, il est chargé de la création des cartes définis Des différents bateaux ainsi que de la production sur une barge spécialement aménagée à cet effet. Entre-temps, dans les cuisines du coq héron, Besson l’a initié aux secrets de la grande cuisine du gibier qui contribue aussi, en saison, à la notoriété du Bélisaire, avec le lièvre à la Royal devenu un incontournable.